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Mon actualité d'auteur, mes textes, mes coups de coeur, mes coups de gueule, tout ce que j'aurai plaisir à vous faire partager !

Facéties municipales


 Le calme régnait d’une façon générale dans la bourgade de St Pétrin : quelques vols de poules ou de fruits et légumes, quelques empoignades entre jeunes gens avinés les samedis soir, rien de méchant. Mais M. le Maire était souvent pris d’idées farfelues, histoire de faire parler de sa commune. La dernière en date – avait-il vu à la télé un film canadien, un reportage sur Lyon ou Grenoble ? – s’avéra être la constitution d’une police montée. Après trois nuits d’insomnie, il parvint à ses fins.

Le premier dimanche de mai, à onze heures précises, la population fut invitée à se rassembler sur la grand-place où était dressée une estrade pour les officiels : le maire et son conseil et un obscur émissaire du Préfet. Les recrutés – le secret sur leur identité avait été bien gardé – devaient déboucher de la rue Jaurès et battre le pavé, allure martiale, droits sur leur monture, jusqu’à la place. A 11 h 05, le cortège tant attendu fit son apparition. En tête, Paul, un fiérot qui ne rêvait que de quitter la ferme familiale, mine conquérante, à l’aise sur un splendide Lipizzan, cravache en main. Le suivait Eugène, le simplet, sec comme une pomme de pin, vautré sur une haridelle du troisième âge, la seule que son père ait consenti à mettre à sa disposition, l’air penaud de celui qui aurait voulu être partout sauf là ! Fermait la marche Jules, ses 100 kg débordant de son chandail, grimpé sur une bête de labour qui se traînait piteusement et stoppait pour flairer les poubelles.

Côté uniforme, il y avait beaucoup à dire. St Pétrin n’était pas riche, le maire avait donc fait ses recommandations aux postulants. Des casques, ils en avaient trouvé : des vert de gris, hérités de l’occupation allemande. Les bottes ? Leurs bottes de travail qu’ils avaient omis de nettoyer et portaient des traces de boue et de fumier. Quant à la veste noire, Paul et Jules n’entraient plus dans celle de leurs noces et Eugène n’avait que celle de sa première communion que sa mère conservait précieusement pour le benjamin. Bref, ce fut un piètre équipage en blousons dépareillés, échappé d’un western au rabais, qui approcha des officiels et de la foule d’où fusèrent les quolibets. « Paul c’est-y le tiercé que tu vas courir ? T’as vu l’Eugène, à dada sur son arrière-grand-mère ? Jules, il flanche ton canasson ! Faudra moins forcer sur le sauciflard ! » On s’étonna aussi de la présence de Nestor, un chien errant adopté par le bourg, qui avait pris la tête du cortège.

Les trois cavaliers une fois alignés à grand-peine au pied de l’estrade, les montures ayant déposé un présent parfumé sous le nez des autorités, provoquant l’hilarité générale, la fanfare municipale entonna une Marseillaise méconnaissable tant les interprètes s’efforçaient de réprimer leur fou rire. Le maire, très digne, entamait son speech lorsqu’un individu cagoulé bondit sur l’estrade, pointa une arme sur son front puis prit la poudre d’escampette.

« Police montée, sus au terroriste ! » hurla l’édile. Le trio s’ébranla tout doux tout doux. Ce fut Nestor qui, rapide comme l’éclair, rattrapa le fugitif, un plaisantin armé d’un pistolet à eau, le mordit à la cheville et le contraignit à revenir sur la place. La police montée revint dans l’après-midi, épuisée, montures et cavaliers compris. Ce fut la fin de l’expérience.

Le maire, pas échaudé pour autant, a trouvé une nouvelle lubie : inviter une grande vedette de la chanson au bal du 14 juillet. Il paraît qu’il auditionne les sosies d’Aznavour !

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L
Un autre maire, de ma connaissance, adore émailler ses discours de "grands mots" dont il parsème ses soporifiques discours. Il y avait toujours une "synergie " quelque part. Nous avons, au cours d'un sketch, reçu avec les honneurs Sainte Synergie, patronne des technocrates, accompagnée de son "pote en ciel" . je ne suis pas certaine, d'ailleurs, que cet élu connaisse le sens des mots qu'il utilise,
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D
Un sketch qui devait être très savoureux, Lza !