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Mon actualité d'auteur, mes textes, mes coups de coeur, mes coups de gueule, tout ce que j'aurai plaisir à vous faire partager !

Bonne fête maman !

Est-ce un signe que la vieillesse me rattrape à grands pas, que je commence à radoter ? Mais en ce jour de fête des mères, il me vient une énorme bouffée de tendresse pour la mienne, disparue il y a bien longtemps.

 

Maman, lorsque je pense à toi, c’est bien sûr à la femme dévouée à son foyer, à ses enfants, si proche de moi sans que nous ayons  jamais manifesté  outrageusement le lien si serré qui nous unissait. Ça ne se faisait pas, chez nous on parlait peu mais on savait que l’on s’aimait fort. Et toi et moi en particulier.

C’est le courage que tu as manifesté au décès de papa qui me revient à l’esprit : il est parti si brusquement alors qu’il te restait encore deux enfants à élever, un garçon de 11 ans et moi qui en avais un peu plus de 16. Tu as fait face avec le soutien des deux aînés. 

Avec émotion, je te revois aussi ouvrir des bras maternels au garçon de couleur avec qui je voulais bâtir ma vie, à une époque où les préjugés allaient encore bon train : tu nous as soutenus contre vents et marées et as fait accepter notre union à la famille. Tu avais pressenti que mon bonheur était en jeu et que cela seul comptait. Tu y as gagné un grand fils qui te portait une véritable affection.

Je te revois aussi accourir chaque fois que j’avais besoin de toi. Tu as fait plusieurs fois le long voyage en train en direction de Rouen à la naissance de mes filles, ou lorsque j’étais malade, parce que tu savais que ta présence me ferait du bien. 

Le temps a passé, les années ont pesé sur ta santé, lourdement. Nous sommes revenus vivre à Saint-Etienne pour que tes petites-filles passent du temps avec toi.  Tu perdais tes forces à petit feu.

 J’ai gardé de toi une dernière image, que je chéris, celle de notre dernier après-midi ensemble, parce qu’en dépit du chagrin de t’avoir perdue, estompé avec le temps – tu serais centenaire aujourd’hui – elle me rappelle que tu es partie délivrée d’un fardeau de souffrances physiques, rassurée parce que tes enfants, tes petits-enfants allaient bien. Tu n’en demandais pas plus.

La chambre de grand-mère, c’était la tienne. La vieille dame qui s’enfonçait, heureuse dans la neige, c’était toi, maman.

 

 

La chambre de grand-mère

Grand-mère laisse son regard fatigué errer sur les murs blancs, le plafond blanc, le carrelage clair toujours impeccablement lavé.

Voilà trois semaines qu’elle n’a pas quitté cette cellule monacale toute en longueur qu’elle connaît par cœur, où tout est blanc, blanc comme les draps, comme la petite table de chevet à droite du lit, comme l’étroite armoire à vêtements à gauche, juste à côté de la porte du cabinet de toilette, blanche elle aussi, qu’elle n’a pas eu l’occasion de pousser. Blanc comme les blouses de ceux qui passent la voir régulièrement, comme ce plateau posé en travers du lit et sur lequel fume un bol de soupe auquel elle ne touchera pas, blanc comme son visage et ses mains décharnés. Cet après-midi, elle avait décidé de faire un gros effort, le dernier peut-être. Elle a longuement fait la conversation avec sa fille, éludant toutes les questions relatives à sa fatigue, à ses douleurs. Elle s’est inquiétée du travail de son gendre, de la santé des enfants, de leurs progrès à l’école, de son courrier, de la température extérieure. Elle, avec ce radiateur bouillant, placé à droite du lit, sous la fenêtre, elle n’a pas à se plaindre.  Sa fille est repartie avec le sourire. C’est tout ce que voulait grand-mère.

Épuisée, elle  distingue à peine au pied de son lit – si haut qu’elle se demande parfois si elle ne va pas en tomber la nuit – la table sur laquelle trônent quatre ou cinq plantes vertes et une gerbe de glaïeuls et le fauteuil de cuir, noir lui, destiné aux visiteurs. Elle lève les yeux vers le petit poste de télévision presque collé au plafond en face d’elle : elle ne l’a jamais allumé. Elle est si lasse.

Petit à petit, les murs blancs de la chambre s’écartent, des flocons laineux s’échappent du plafond soudain devenu bleuté. Grand-mère n’a plus mal tout à coup : dans sa chemise de nuit blanche, debout, le sourire aux lèvres, tout doucement, tout doucement, elle s’enfonce dans la neige.

 

 

 

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P
Deux très beaux textes, tendres et émouvants à la fois
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